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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/173

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Quand celui-ci eut obtenu un oui formel, il quitta son compagnon, en se frottant les mains ; il venait, croyait-il, de remporter une grande victoire, il s’applaudissait d’avoir eu le premier l’idée de ce mariage qui rendrait aux soirées du jeudi toute leur ancienne joie.

Pendant que Michaud causait ainsi avec Laurent, en suivant lentement les quais, madame Raquin avait une conversation presque semblable avec Thérèse. Au moment où sa nièce, pâle et chancelante comme toujours, allait se retirer, la vieille mercière la retint un instant. Elle la questionna d’une voix tendre, elle la supplia d’être franche, de lui avouer les causes de cet ennui qui la pliait. Puis, comme elle n’obtenait que des réponses vagues, elle parla des vides du veuvage, elle en vint peu à peu à préciser l’offre d’un nouveau mariage, elle finit par demander nettement à Thérèse si elle n’avait pas le secret désir de se remarier. Thérèse se récria, dit qu’elle ne songeait pas à cela et qu’elle resterait fidèle à Camille. Madame Raquin se mit à pleurer. Elle plaida contre son cœur, elle fit entendre que le désespoir ne peut être éternel ; enfin, en réponse à un cri de la jeune femme disant que jamais elle ne remplacerait Camille, elle nomma brusquement Laurent. Alors, elle s’étendit avec un flot de paroles sur la convenance, sur les avantages d’une pareille union ; elle vida son âme, répéta tout haut ce qu’elle avait pensé durant la soirée ; elle peignit, avec un naïf égoïsme, le tableau de ses derniers bonheurs,