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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/184

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Madame Raquin fut intérieurement reconnaissante aux époux de leur gravité ; une joie bruyante aurait blessé la pauvre mère ; pour elle, son fils était là, invisible, remettant Thérèse entre les mains de Laurent. Grivet n’avait pas les mêmes idées ; il trouvait la noce triste, il cherchait vainement à l’égayer, malgré les regards de Michaud et d’Olivier qui le clouaient sur sa chaise toutes les fois qu’il voulait se dresser pour dire quelque sottise. Il réussit cependant à se lever une fois. Il porta un toast.

— Je bois aux enfants de monsieur et de madame, dit-il d’un ton égrillard.

Il fallut trinquer. Thérèse et Laurent étaient devenus extrêmement pâles, en entendant la phrase de Grivet. Ils n’avaient jamais songé qu’ils auraient peut-être des enfants. Cette pensée les traversa comme un frisson glacial. Ils choquèrent leur verre d’un mouvement nerveux, ils s’examinèrent, surpris, effrayés d’être là, face à face.

On se leva de table de bonne heure. Les invités voulurent accompagner les époux jusqu’à la chambre nuptiale. Il n’était guère plus de neuf heures et demie lorsque la noce rentra dans la boutique du passage. La marchande de bijoux faux se trouvait encore au fond de son armoire devant la boîte garnie de velours bleu. Elle leva curieusement la tête, regardant les nouveaux mariés avec un sourire. Ceux-ci surprirent son regard, et en furent terrifiés. Peut-être cette vieille femme avait-elle eu connaissance de leurs ren-