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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/206

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se trouvait pas là, il aurait commis de nouveau le meurtre, s’il avait pensé que son intérêt l’exigeât. Pendant le jour, il se raillait de ses effrois, il se promettait d’être fort, il gourmandait Thérèse, qu’il accusait de le troubler ; selon lui, c’était Thérèse qui frissonnait, c’était Thérèse seule qui amenait des scènes épouvantables, le soir, dans la chambre. Et, dès que la nuit tombait, dès qu’il était enfermé avec sa femme, des sueurs glacées montaient à sa peau, des effrois d’enfant le secouaient. Il subissait ainsi des crises périodiques, des crises de nerfs qui revenaient tous les soirs, qui détraquaient ses sens, en lui montrant la face verte et ignoble de sa victime. On eût dit les accès d’une effrayante maladie, d’une sorte d’hystérie du meurtre. Le nom de maladie, d’affection nerveuse était réellement le seul qui convînt aux épouvantes de Laurent. Sa face se convulsionnait, ses membres se roidissaient ; on voyait que les nerfs se nouaient en lui. Le corps souffrait horriblement, l’âme restait absente. Le misérable n’éprouvait pas un repentir ; la passion de Thérèse lui avait communiqué un mal effroyable, et c’était tout.

Thérèse se trouvait, elle aussi, en proie à des secousses profondes. Mais, chez elle, la nature première n’avait fait que s’exalter outre mesure. Depuis l’âge de dix ans, cette femme était troublée par des désordres nerveux, dus en partie à la façon dont elle grandissait dans l’air tiède et nauséabond de la chambre où râlait le petit Camille. Il s’amassait en elle des orages, des