dommagement de ses nuits atroces, il voulut au moins se faire entretenir dans une oisiveté heureuse, bien nourri, chaudement vêtu, ayant en poche l’argent nécessaire pour contenter ses caprices. À ce prix seul, il consentait à coucher avec le cadavre du noyé.
Un soir, il annonça à madame Raquin et à sa femme qu’il avait donné sa démission et qu’il quitterait son bureau à la fin de la quinzaine. Thérèse eut un geste d’inquiétude. Il se hâta d’ajouter qu’il allait louer un petit atelier où il se remettrait à faire de la peinture. Il s’étendit longuement sur les ennuis de son emploi, sur les larges horizons que l’art lui ouvrait ; maintenant qu’il avait quelques sous et qu’il pouvait tenter le succès, il voulait voir s’il n’était pas capable de grandes choses. La tirade qu’il déclama à ce propos cachait simplement une féroce envie de reprendre son ancienne vie d’atelier. Thérèse, les lèvres pincées, ne répondit pas ; elle n’entendait point que Laurent lui dépensât la petite fortune qui assurait sa liberté. Lorsque son mari la pressa de questions, pour obtenir son consentement, elle fit quelques réponses sèches ; elle lui donna à comprendre que, s’il quittait son bureau, il ne gagnerait plus rien et serait complètement à sa charge. Tandis qu’elle parlait, Laurent la regardait d’une façon aiguë qui la troubla et arrêta dans sa gorge le refus qu’elle allait formuler ; elle crut lire dans les yeux de son complice cette pensée menaçante : « Je dis tout, si tu ne consens pas. » Elle se mit à balbutier. Madame Raquin s’écria alors que le désir de son