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il dormait, il se vautrait jusqu’au soir. Son atelier était un lieu de paix où il ne tremblait pas. Un jour sa femme lui demanda à visiter son cher refuge. Il refusa, et comme, malgré son refus, elle vint frapper à sa porte, il n’ouvrit pas ; il lui dit le soir qu’il avait passé la journée au musée du Louvre. Il craignait que Thérèse n’introduisît avec elle le spectre de Camille.

L’oisiveté finit par lui peser. Il acheta une toile et des couleurs, il se mit à l’œuvre. N’ayant pas assez d’argent pour payer des modèles, il résolut de peindre au gré de sa fantaisie, sans se soucier de la nature. Il entreprit une tête d’homme.

D’ailleurs, il ne se cloîtra plus autant ; il travailla pendant deux ou trois heures chaque matin et employa ses après-midi à flâner ici et là, dans Paris et dans la banlieue. Ce fut en rentrant d’une de ces longues promenades qu’il rencontra, devant l’Institut, son ancien ami de collège, qui avait obtenu un joli succès de camaraderie au dernier Salon.

— Comment, c’est toi ! s’écria le peintre. Ah ! mon pauvre Laurent, je ne t’aurais jamais reconnu. Tu as maigri.

— Je me suis marié, répondit Laurent d’un ton embarrassé.

— Marié, toi ! Ça ne m’étonne plus de te voir tout drôle… Et que fais-tu maintenant ?

— J’ai loué un petit atelier ; je peins un peu, le matin.

Laurent conta son mariage en quelques mots ; puis