Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Que diable ! laissez parler madame Raquin, dit-il. Parlez, ma vieille amie.

Et il regarda sur la toile cirée, comme il aurait prêté l’oreille. Mais les doigts de la paralytique se lassaient, ils avaient recommencé un mot à plus de dix reprises, et ils ne traçaient plus ce mot qu’en s’égarant à droite et à gauche. Michaud et Olivier se penchaient, ne pouvant lire, forçant l’impotente à toujours reprendre les premières lettres.

— Ah ! bien, s’écria tout à coup Olivier, j’ai lu, cette fois… Elle vient d’écrire votre nom, Thérèse… Voyons « Thérèse et… » Achevez, chère dame.

Thérèse faillit crier d’angoisse. Elle regardait les doigts de sa tante glisser sur la toile cirée, et il lui semblait que ces doigts traçaient son nom et l’aveu de son crime en caractères de feu. Laurent s’était levé violemment, se demandant s’il n’allait pas se précipiter sur la paralytique et lui briser le bras. Il crut que tout était perdu, il sentit sur son être la pesanteur et le froid du châtiment, en voyant cette main revivre pour révéler l’assassinat de Camille.

Madame Raquin écrivait toujours, d’une façon de plus en plus hésitante.

— C’est parfait, je lis très-bien, reprit Olivier au bout d’un instant, en regardant les époux. Votre tante écrit vos deux noms : « Thérèse et Laurent… »

La vieille dame fit coup sur coup des signes d’affirmation, en jetant sur les meurtriers des regards qui les écrasèrent. Puis elle voulut achever. Mais ses