Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/266

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détail, les faits qui avaient précédé et suivi le meurtre de Camille, elle descendit peu à peu dans les saletés et les crimes de ceux qu’elle avait appelés ses chers enfants.

Les querelles des époux la mirent au courant des moindres circonstances, étalèrent devant son esprit terrifié, un à un, les épisodes de l’horrible aventure. Et à mesure qu’elle pénétrait plus avant dans cette boue sanglante, elle criait grâce, elle croyait toucher le fond de l’infamie, et il lui fallait descendre encore. Chaque soir elle apprenait quelque nouveau détail. Toujours l’affreuse histoire s’allongeait devant elle ; il lui semblait qu’elle était perdue dans un rêve d’horreur qui n’aurait pas de fin. Le premier aveu avait été brutal et écrasant, mais elle souffrait davantage de ces coups répétés, de ces petits faits que les époux laissaient échapper au milieu de leur emportement et qui éclairaient le crime de lueurs sinistres. Une fois par jour, cette mère entendait le récit de l’assassinat de son fils, et, chaque jour, ce récit devenait plus épouvantable, plus circonstancié, et était crié à ses oreilles avec plus de cruauté et d’éclat.

Parfois, Thérèse était prise de remords, en face de ce masque blafard sur lequel coulaient silencieusement de grosses larmes. Elle montrait sa tante à Laurent, le conjurant du regard de se taire.

— Eh ! laisse donc ! criait celui-ci avec brutalité, tu sais bien qu’elle ne peut pas nous livrer… Est-ce que je suis plus heureux qu’elle, moi ?… Nous avons son argent, je n’ai pas besoin de me gêner.