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X


Près de trois semaines se passèrent. Laurent revenait à la boutique tous les soirs ; il paraissait las, comme malade ; un léger cercle bleuâtre entourait ses yeux, ses lèvres pâlissaient et se gerçaient. D’ailleurs, il avait toujours sa tranquillité lourde, il regardait Camille en face, il lui témoignait la même amitié franche. Madame Raquin choyait davantage l’ami de la maison, depuis qu’elle le voyait s’endormir dans une sorte de fièvre sourde.

Thérèse avait repris son visage muet et rechigné. Elle était plus immobile, plus impénétrable, plus paisible que jamais. Il semblait que Laurent n’existât pas pour elle ; elle le regardait à peine, lui adressait de rares paroles, le traitait avec une indifférence parfaite. Madame Raquin, dont la bonté souffrait de cette attitude, disait parfois au jeune homme : « Ne faites pas attention à la froideur de ma nièce. Je la connais ; son