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TRAVAIL

l’usine ayant beaucoup souffert de l’arrêt du travail, les ouvriers étant à demi morts de faim, dans la rage accrue de leur impuissance. C’était l’avant-veille, le jeudi seulement, que le travail avait fini par reprendre, après des concessions réciproques, furieusement débattues, arrachées à grand’peine. Et les ouvriers étaient rentrés sans joie, inapaisés, comme des vaincus qu’enrage leur défaite, qui ne gardent au cœur que le souvenir de leurs souffrances et l’âpre désir de les venger.

Sous la fuite éperdue des nuages de deuil, l’Abîme étendait l’amas sombre de ses bâtiments et de ses hangars. C’était le monstre, poussé là, qui avait peu à peu élargi les toits de sa petite ville. À la couleur des toitures dont les nappes s’étalaient, se prolongeaient dans tous les sens, on devinait les âges successifs des constructions. Maintenant, il tenait plusieurs hectares, il occupait un millier d’ouvriers. Les hautes ardoises bleuâtres des grandes halles, aux vitrages accouplés, dominaient les vieilles tuiles noircies des installations premières, beaucoup plus humbles. Par-dessus, on apercevait de la route, rangées à la file, les ruches géantes des fours à cémenter, ainsi que la tour à tremper, haute de vingt-quatre mètres, où les grands canons, debout et d’un jet, étaient plongés dans un bain d’huile de pétrole. Et, plus haut encore, les cheminées fumaient, les cheminées de toutes tailles, la forêt qui mêlait son souffle de suie à la suie volante des nuages, tandis que les minces tuyaux d’échappement jetaient, à des intervalles réguliers, les panaches blancs de leur haleine stridente. On eût dit la respiration du monstre, les poussières, les vapeurs, qui s’exhalaient sans cesse de lui, qui lui faisaient une continuelle nuée de la sueur de sa besogne. Puis, il y avait le battement de ses organes, les chocs et les grondements qui sortaient de son effort, la trépidation des machines, la cadence claire des marteaux cingleurs, les grands coups rythmés