Page:Zola - Travail.djvu/156

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« Voici donc, mon ami, dit Jordan, ce que je désire de votre bonne amitié… Vous étudierez la question, vous me direz simplement ce que vous feriez à ma place. »

Il reprit toute l’affaire, il expliqua dans quelles disposition d’esprit il se trouvait. Depuis longtemps, il se serait débarrassé du haut fourneau, si l’exploitation n’en avait pas, pour ainsi dire, marché d’elle seule, d’un train immuable que la routine réglait.

Les gains restaient suffisants, mais ils n’entraient pas en compte à ses yeux, car il s’estimait assez riche ; et, d’autre part, pour les doubler et les tripler, il aurait fallu renouveler une partie du matériel, améliorer le rendement, se donner tout entier en un mot. C’était ce qu’il ne pouvait ni ne voulait faire, d’autant plus que ces hauts fourneaux antiques, d’une méthode selon lui enfantine et barbare, ne l’intéressaient pas, ne pouvaient lui être d’aucune utilité pour les expériences des fontes électriques qui le passionnaient. Et il avait laissé aller le sien, s’en occupant le moins possible, attendant l’occasion de ne plus s’en occuper du tout.

« Vous comprenez, n’est-ce pas ? mon ami… Alors, brusquement, voilà mon vieux Laroche qui meurt, et toute l’exploitation, tous les soucis me retombent sur les épaules. Vous ne vous imaginez pas ce qu’il y aurait à faire, une vie d’homme y suffirait à peine si l’on voulait s’y mettre sérieusement. Or, pour rien au monde, je n’abandonnerais mes études, mes recherches. Et le mieux est donc que je vende, j’y suis à peu près résolu, mais je tiens à connaître d’abord votre opinion. »

Luc comprenait, trouvait ces choses raisonnables.

« Sans doute, répondit-il, vous ne pouvez changer vos travaux, votre existence entière. Vous et le monde y perdriez trop. Pourtant, réfléchissez encore, il est peut-être d’autres solutions… Et puis, pour vendre, il vous faut un acheteur.

— Oh ! reprit Jordan, j’ai l’acheteur… Ce n’est pas