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paresse des hommes avait délaissé là, et que la terre, la mère inépuisable, était prête à donner encore.

Il était plus de midi, Luc accepta de déjeuner d’œufs et de laitage, là-haut, dans les monts Bleuses. Et, quand il redescendit à près de deux heures, enchanté, la poitrine pleine des grands souffles libres de la montagne, il fut accueilli par les exclamations des Jordan, qui commençaient à s’inquiéter, ignorant ce qu’il avait pu devenir. Il s’excusa de ne les avoir pas prévenus, il conta qu’il s’était égaré sur les plateaux et qu’il avait déjeuné chez des paysans. S’il se permettait ce petit mensonge, c’était que les Jordan, encore à table, n’étaient pas seuls. Comme tous les deuxièmes mardis du mois, ils avaient trois convives, l’abbé Marle, le docteur Novarre et l’instituteur Hermeline. Sœurette aimait à les réunir, et elle les appelait en riant son grand Conseil, parce que les trois l’aidaient dans ses œuvres de charité. La Crêcherie, si fermée ou Jordan vivait en savant solitaire, ainsi que dans un cloître s’ouvrait cependant pour ces trois-là, traités en intimes ; et l’on n’aurait pu dire qu’ils devaient cette faveur à leur bonne entente car ils se disputaient toujours ; mais leurs continuelles discussions amusaient Sœurette, les lui rendaient plus chers, dans l’idée qu’ils étalent une distraction pour Jordan, qui les écoutait en souriant.

« Alors, vous avez déjeuné ? dit-elle à Luc, ça ne va pas vous empêcher de prendre une tasse de café avec nous, n’est-ce pas ?

— Va pour la tasse de café, répondit-il gaiement. Vous êtes trop aimable, je ne mérite que les plus sanglants reproches. »

Et l’on passa au salon. Les fenêtres en étaient ouvertes, le parc cerclait ses pelouses, tout le charme des grands arbres entrait en une odeur exquise. Sur un guéridon, dans un cornet de porcelaine, s’épanouissait un admirable bouquet de roses, des roses que le docteur Novarre cultivait avec