Page:Zola - Travail.djvu/195

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« Aimez-vous les uns les autres, c’est la morale de notre divin maître Jésus. Seulement, il a dit aussi que le bonheur n’était pas de ce monde, et c’est une folie coupable que de vouloir réaliser sur cette terre le royaume de Dieu, qui est au ciel.

— On l’y réalisera pourtant un jour, dit Luc. Tout l’effort de humanité en marche, tout le progrès, toute la science, vont à cette Cité future. »

Mais l’instituteur, qui ne l’écoutait plus, se rua de nouveau sur le prêtre.

« Ah ! non, l’abbé, ne recommencez pas, avec votre promesse d’un paradis, qui dupe les pauvres diables ! D’ailleurs, votre Jésus est à nous, vous nous l’avez pris, vous l’avez accommodé pour les besoins de votre domination. Au fond, il n’était qu’un révolutionnaire et qu’un libre penseur. »

La bataille recommença, il fallut que le docteur Novarre les départageât une fois de plus, en donnant raison tantôt à l’un, tantôt à l’autre, comme toujours, d’ailleurs, les questions restèrent pendantes, car jamais une solution décisive n’intervenait. Le café était pris depuis longtemps, ce fut Jordan, songeur, qui dit le dernier mot.

« L’unique vérité est dans le travail, le monde sera un jour ce que le travail l’aura fait. »

Et Sœurette, qui avait passionnément écouté Luc, sans intervenir, parla d’un asile dont elle avait l’idée, pour y garder les enfants en bas âge des ouvrières employées dans les usines. Il n’y eut plus, dès lors, entre le médecin, l’instituteur et le prêtre, qu’une conversation très douce, très amicale, sur les moyens pratiques de réaliser cet asile, de façon à y éviter les abus des établissements similaires. Dans le parc, l’ombre des grands arbres s’allongeait sur les pelouses, tandis que des ramiers s’abattaient parmi les herbes, au blond soleil de septembre.