Aller au contenu

Page:Zola - Travail.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Même pour ceux qui devaient s’en tenir aux premiers éléments, c’était le monde élargi, la terre entière prenant une voix, les plus humbles vies s’embellissant d’une splendeur. Dans le jardin, à la fin des belles journées, par les radieux couchers de soleil, on réunissait les enfants, on leur faisait chanter des strophes de paix et de gloire, on les exaltait dans des spectacles de vérité et d’immortelle beauté.

Luc achevait sa visite quotidienne, lorsqu’on accourut le prévenir que deux paysans des Combettes, Lenfant et Yvonnot, l’attendaient dans le petit bureau, qui donnait sur la grande salle des réunions.

«  Ils viennent pour l’affaire du ruisseau  ? demanda Sœurette.

— Oui, répondit-il. Ce sont eux qui m’ont demandé un rendez vous. Mais, de mon côté, je désirais vivement les voir, car j’ai encore causé avec Feuillat, l’autre jour et je suis convaincu qu’une entente est nécessaire entre la Crêcherie et les Combettes, si nous voulons vaincre.  »

Souriante, elle l’écoutait, n’ignorant aucun de ses projets de fondateur de ville  ; et, lorsqu’elle lui eut serré la main, elle retourna de son pas discret et paisible, à ses berceaux tout blancs, d’où se lèverait le peuple futur, dont il avait besoin pour réaliser son rêve.

Feuillat, le fermier de la Guerdache, avait fini par renouveler son bail avec Boisgelin, dans des conditions désastreuses pour les deux parties. Il fallait bien vivre, comme il le disait  ; et le système du fermage était devenu si défectueux, qu’il ne pouvait plus donner de bons résultats. C’était la faillite même de la terre. Aussi, Feuillat, sourdement, en homme têtu, hanté d’une idée qu’il ne contait à personne, continuait-il à provoquer l’œuvre d’expérience dont il aurait voulu voir l’essai, à côté de sa ferme  : la réconciliation des paysans des Combettes, désunis par des haines anciennes  ; la mise en commun de leurs