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Page:Zola - Travail.djvu/294

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la remplir. Seul, son cœur endolori souffrait affreusement, meurtri de tant d’erreur et de démence. Des larmes montaient à ses yeux, et il lui fallait faire un grand effort, pour ne pas les laisser couler le long de ses joues.

«  À mort  ! à mort  ! le voleur, l’empoisonneur, à mort  !   »

Un caillou vint le frapper au talon, un autre lui effleura la cuisse. C’était devenu un jeu, des enfants s’en mêlaient. Mais ils étaient peu adroits, les cailloux ricochaient sur le sol. À deux reprises pourtant, il en passa si près de sa tête, qu’on put le croire touché, le crâne fendu. Il ne se retournait plus, il montait toujours la rue de Brias, du même pas de promeneur tranquille, rentrant chez lui. Dans sa douleur d’une si furieuse ingratitude, il semblait ne plus vouloir connaître ce qui se passait derrière lui, le long de cette rue de misère, où il souffrait son martyre. Mais un caillou enfin l’atteignit, lui déchira l’oreille droite, tandis qu’un autre le frappait à la main gauche, dont il coupait la paume, comme d’un coup de couteau. Et le sang coula, tomba en larges gouttes rouges.

«  À mort  ! à mort  ! le voleur, l’empoisonneur, à mort  !   »

Un remous de panique arrêta la foule. Plusieurs s’enfuirent, pris de lâcheté. Des femmes crièrent, emportèrent des enfants dans leurs bras. Et il n’y eut que les furieux qui galopèrent encore. Luc continuant sa route douloureuse, avait simplement regardé sa main. Il tira son mouchoir, s’en essuya l’oreille, l’enroula autour de sa paume saignante. Mais son pas s’était ralenti, et il sentit le galop qui se rapprochait, il fit face une dernière fois, quand il eut sur la nuque le souffle ardent de cette meute qui le poursuivait. Au premier rang, courait d’un élan frénétique l’ouvrier petit et maigre, aux cheveux roux, aux gros yeux troubles. On disait que c’était un forgeron de l’Abîme. Il arriva d’un