Page:Zola - Travail.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il n’en est pas moins vrai que vous nous préparez une génération déréglée, en rébellion contre l’État, et qui conduirait sûrement la République aux pires catastrophes.

— Toute la liberté, toute la vérité, toute la justice, sont des catastrophes  », dit encore Luc en souriant.

Mais Hermeline continuait, en faisant une peinture épouvantable de la société de demain, si les écoles cessaient d’instruire des citoyens tous pareils, tous fabriqués pour le service de sa république autoritaire et centralisée  : plus de discipline politique, plus d’administration possible, plus d’État souverain, la licence désordonnée aboutissant à la pire débauche physique et morale. Et tout d’un coup, l’abbé Marle, qui écoutait, en approuvant de la tête, ne put résister au besoin de crier  :

«  Ah  ! que vous avez raison, et que tout cela est bien dit  !   »

Sa face large et pleine, aux traits réguliers, au nez solide et fort, rayonnait de cette attaque furieuse contre la société naissante, où il sentait son Dieu condamné, près de n’être plus que l’idole historique d’une religion morte. Lui-même, chaque dimanche au prône portait les mêmes accusations, prophétisait les mêmes désastres. Mais on ne l’écoutait guère, son église se vidait davantage chaque jour, et il en ressentait une grande douleur inavouée, s’enfermant de plus en plus, pour toute consolation dans son étroite doctrine. Jamais il ne s’était montré plus attaché à la lettre, jamais il n’avait courbé ses pénitentes sous une pratique plus sévère, comme s’il eut voulu que ce monde bourgeois, dont il couvrait la pourriture du manteau de la religion, fût au moins englouti dans une attitude brave. Le jour où son église croulerait, il serait à l’autel, il achèverait sous les décombres sa dernière messe.

«  C’est bien vrai, que le règne de Satan est proche, ces filles et ces garçons élevés ensemble, toutes les passions