Page:Zola - Travail.djvu/342

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

a bouché la porte  ?

— Saute, saute, Nise, ma petite Nise  !

— Nanet, mon petit Nanet, saute, saute  !

Et, du coup, ce fut du délire, tous les six répétaient  : «  Saute  ! saute  !   » en dansant devant le mur, comme si, en sautant de plus en plus fort, ils finiraient par sauter si haut, qu’ils se verraient et seraient ensemble. Ils tournaient, ils valsaient, ils faisaient des révérences à ce mur impitoyable, ils jouaient à se faire des gestes au travers, avec cette puissance d’imagination enfantine qui supprime les obstacles.

Puis, le clair chant de flûte reprit.

«  Écoute, tu ne sais pas, Nise  ?

— Non, Nanet, je ne sais pas.

— Eh bien  ! je vas monter sur le mur, Nise, et je te tirerai par les épaules, pour te mettre par ici.

— Oh  ! c’est ça, c’est ça Nanet  ! monte, mon petit Nanet  !   »

Tout de suite, Nanet fut en haut du mur, s’agrippant des mains et des pieds, d’une agilité de chat. Et, là-haut, à califourchon, il était drôle, avec sa tête ronde, aux grands yeux bleus, aux cheveux blonds ébouriffés. Il avait quatorze ans déjà, mais il restait petit les reins solides, l’air souriant et résolu.

«  Lucien  ! Antoinette  ! faites le guet, vous autres  !   »

Et, se penchant dans le jardin des Delaveau, tout fier de dominer la situation et de voir les deux côtés à la fois  :

«  Monte, Nise, que je t’empoigne  !

— Ah  ! non, pas moi la première, Nanet  ! C’est moi qui vas faire le guet par ici.

— Alors, qui donc, Nise  ?

— Attends, Nanet, méfie-toi. C’est Paul qui monte. Il y a un treillage. Il va l’essayer pour voir si ça casse.  »