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Page:Zola - Travail.djvu/350

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façon de l’aiguillonner était de l’accabler de demandes d’argent. L’attitude de Delaveau, homme autoritaire qui ne faisait jamais de confidences aux femmes, même à la sienne, bien qu’il l’adorât, avait fini par la convaincre qu’elle était dans le vrai.

Si elle voulait réaliser plus tard son rêve, retourner à Paris avec les conquis, il fallait harceler son mari sans cesse, et tout dévorer, pour tout centupler.

Une nuit, pourtant, Delaveau s’oublia devant Fernande. Ils revenaient d’une chasse, donnée à la Guerdache, pendant laquelle Fernande, dont le grand plaisir était de galoper à cheval, avait disparu avec Boisgelin. Le soir, il y avait eu un grand dîner, et il était plus de minuit, lorsqu’une voiture ramena le ménage à l’Abîme. La jeune femme, qui semblait brisée de fatigue, comme repue des brûlantes jouissances dont elle faisait sa vie, se hâta de se dévêtir, délicieuse dans sa nudité lasse, puis s’allongea sous les couvertures  ; tandis que le mari, sans se presser, se déshabillait méthodiquement, tournant dans la chambre, d’un air de colère et de préoccupation.

«  Dis donc, finit-il par demander, est-ce que Boisgelin ne t’a rien dit, lorsque vous avez filé ensemble  ?   »

Surprise, Fernande rouvrit ses yeux qui se fermaient déjà.

«  Non, répondit-elle, rien d’intéressant du moins… Que veux-tu qu’il me dise  ?

— Ah  ! reprit Delaveau, c’est qu’auparavant nous avions eu une discussion. Il m’a encore demandé dix mille francs, pour la fin du mois. Et, cette fois, j’ai refusé carrément, c’est impossible, c’est fou.  »

Elle redressa la tête, ses yeux se rallumèrent.

«  Comment  ! c’est fou  ? … Pourquoi ne lui donnes-tu pas ces dix mille francs  ?   »

Justement, c’était elle qui avait soufflé à Boisgelin cette demande de dix mille francs, pour l’achat d’une automobile