Page:Zola - Travail.djvu/461

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le cœur, incapable de parler, jusqu’à ce qu’il pût répondre enfin  :

«  Oui, votre ami, votre ami qui n’a cessé de l’être, qui attendait cet appel pour accourir  !   »

Ils étaient restés fraternels, et ils sentirent alors si profondément cette fraternité, nouée pour toujours, qu’ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Ils se baisèrent sur les joues, en camarades, en amis ne craignant plus rien des folies humaines, certains de ne jamais souffrir l’un par l’autre, de ne se donner que de la paix et du courage. Tout ce que l’amitié entre un homme et une femme peut avoir de fort et de tendre, fleurissait dans leur sourire.

«  Mon amie, si vous saviez ma crainte, lorsque j’ai compris que sous mes coups, l’Abîme finirait par crouler  ! N’est-ce pas vous que je ruinais  ? Et à quelle foi j’ai dû obéir, pour ne pas m’arrêter devant cette pensée  ! Parfois, j’étais pris de grandes tristesses, vous deviez me maudire, vous ne me pardonneriez jamais d’être la cause des soucis où vous vous débattez à cette heure.

— Moi, vous maudire, mon ami  ! Mais j’étais avec vous, je faisais des vœux pour vous, vos victoires ont été mes seules joies  ! Et cela m’était si doux, au milieu de ce monde qui est le mien et qui vous exécrait, d’avoir ma secrète affection, de vous comprendre et de vous aimer, en un sanctuaire intime, ignoré des autres  !

— Je ne vous en ai pas moins ruinée, mon amie. Qu’allez-vous devenir, vous habituée dès l’enfance à cette vie de luxe  ?

— Oh  ! ruinée, mon ami, la besogne se serait faite sans vous. Ce sont les autres qui m’ont ruinée. Et vous verrez si je serai brave, toute délicate que vous me pensez.

— Mais Paul, mais votre fils  ?

— Paul  ! il ne pouvait lui arriver de plus grand bonheur. Il travaillera. Voyez ce que l’argent a fait des miens.  »