Page:Zola - Travail.djvu/496

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aller à l’aimer aussi profondément. Mais, des deux, il était à coup sûr le plus sage ne voulant heurter personne, souffrant à l’idée qu’elle était bien trop fine, bleu trop riche pour lui, parlant seulement de ne se marier jamais, s’il la perdait  ; tandis qu’elle, à la seule pensée qu’on pouvait s’opposer à leur mariage, entrait dans des rébellions folles, parlait tout bonnement de planter là situation et fortune, pour aller vivre avec lui.  »

Alors, pendant près de six mois, ce fut la lutte. Chez les parents de Lucien, un tel mariage, qui aurait dû être un honneur, ne soulevait pourtant qu’une sourde défiance. Bonnaire, surtout, avec sa grande raison, aurait mieux aimé que Lucien épousât la fille d’un camarade. Les temps avaient marché déjà, il n’y avait plus à être fier de voir un de ses fils monter d’une classe, au bras d’une fille de la bourgeoisie agonisante. Bientôt, le profit serait pour la bourgeoisie, lorsqu’elle se referait du sang rouge de la santé et de la force, en s’alliant au peuple. Des querelles éclataient à ce sujet dans le ménage de Bonnaire, car sa femme, la Toupe terrible, en personne orgueilleuse, aurait sans doute consenti, mais à la condition de devenir elle aussi une dame, avec de belles robes et des bijoux. Rien de l’évolution qui se passait autour d’elle n’avait pu entamer son besoin de dominer et de paraître, elle gardait son caractère exécrable, même dans l’aisance assurée où ils vivaient maintenant, reprochant à son mari de ne pas avoir fait fortune par exemple comme M. Mazelle, un malin qui ne travaillait plus depuis longtemps. Elle aurait porté des chapeaux, elle se serait prélassée sur les promenades, en rentière jouissant délicieusement de la paresse. Et, lorsqu’elle entendit Lucien déclarer que, s’il épousait Louise, il était bien résolu à ce que pas un sou des Mazelle n’entrât dans son ménage, elle acheva de perdre la tête, elle partit à son tour en guerre