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contre une union qui ne lui paraissait plus profitable. À quoi bon épouser cette fille si mince, pas jolie, l’air drôle, si ce n’était pour son argent  ? Ce serait le comble à toutes les extraordinaires choses dont le spectacle l’ahurissait, et auxquelles, depuis longtemps, elle avait cessé de rien comprendre.

Un soir surtout, il y eut une explication orageuse entre la Toupe, Bonnaire et leur fils Lucien, en présence du père Lunot, qui vivait encore, à plus de soixante-dix ans. C’était à la fin du dîner, dans la petite salle à manger si propre et si gaie, dont la fenêtre ouvrait sur les verdures du jardin. Il y avait même des fleurs sur la table, toujours abondamment servie. Et le père Lunot, qui avait maintenant du tabac à discrétion, venait d’allumer sa pipe, lorsque la Toupe devint aigre, au dessert, à propos de rien, pour le plaisir de se fâcher, ainsi qu’elle en avait gardé l’habitude.

«  Alors, dit-elle à Lucien, c’est décidé, tu veux toujours l’épouser, cette demoiselle  ? Je t’ai encore aperçu avec elle aujourd’hui, devant la porte des Boisgelin. Si tu nous aimais un peu, il me semble que tu aurais déjà cessé de la voir, puisque tu sais que ton père et moi, nous ne sommes pas si enchantés de ce mariage.  »

Lucien, en bon fils, évitait de discuter, ce qu’il savait d’ailleurs inutile. Il se tourna vers Bonnaire.

«  Mais, répondit-il simplement, mon père est prêt à consentir, je crois.  »

Ce fut, pour la Toupe, comme un coup de fouet qui la jeta sur son mari.

«  Quoi donc  ? voilà que tu donnes ton consentement, sans me prévenir  ! Il n’y a pas quinze jours, tu me disais qu’une telle union ne te semblait guère raisonnable et que tu n’étais pas sans crainte pour le bonheur de notre enfant, s’il faisait cette folie. Tu tournes donc comme une girouette  ?   »