Page:Zola - Travail.djvu/531

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jouet d’enfant. Et ce fut la foudre, les fils s’étaient touchés, une étincelle formidable avait jailli, éblouissante. Et tout le hangar fut plongé dans une obscurité profonde, on n’entendit plus, parmi ces ténèbres, que la chute d’un grand corps, le grand vieillard foudroyé qui tombait d’un seul bloc, ainsi qu’un chêne abattu.

On dut courir chercher des lanternes. Jordan et Luc, bouleversés, purent seulement constater la mort, pendant que Petit-Da criait et pleurait. Étendu, la face vers le ciel, le vieux maître fondeur ne semblait pas avoir souffert, colosse intact de vieille fonte, sur lequel le feu ne pouvait plus mordre. Ses vêtements brûlaient, et il fallut les éteindre. Il n’avait sans doute pas voulu survivre au monstre aimé, à ce haut fourneau antique dont il restait le dernier fervent. Avec lui, finissait la lutte première, l’homme dompteur du feu, conquérant des métaux, courbé sous l’esclavage de la douloureuse besogne, fier de se faire une noblesse de ce long labeur écrasant de l’humanité en marche pour le bonheur futur. Il avait même évité de savoir que des temps nouveaux étaient nés apportant à chacun, grâce à la victoire du juste travail, un peu de repos, un peu de la joie libre, de la jouissance heureuse, dont seuls, jusque-là, quelques privilégiés avaient goûté la douceur grâce à l’inique souffrance du plus grand nombre. Et il tombait en héros farouche et têtu de l’ancienne et terrible corvée, en Vulcain enchaîné à sa forge, ennemi aveugle de tout ce qui le libérait mettant sa gloire dans son asservissement, refusant comme une déchéance que la souffrance et l’effort pussent un jour être diminués. La force du nouvel âge, la foudre qu’il était venu nier, insulter, l’avait anéanti, et il dormait.

À quelques années de là, trois mariages encore se conclurent, achevant de mêler les classes, de resserrer les liens, chez le petit peuple de fraternité et de paix, de plus