Page:Zola - Travail.djvu/560

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train de laminoirs qui fabriquait des rails. Luc, bienveillant, heureux, regardait. Depuis qu’on employait la force électrique, le vacarme terrible des laminoirs avait disparu, ils fonctionnaient d’un air de douceur huilée, avec le seul bruit argentin de chaque rail qui jaillissait, s’ajoutant aux rails en train de se refroidir. C’était la bonne production incessante des époques de paix, des rails, et encore des rails, pour que toutes les frontières fussent franchies et pour que tous les peuples, rapprochés, fissent un seul peuple, sur la terre entière sillonnée de routes. C’étaient de grands navires en acier, non plus d’abominables navires de guerre, portant la dévastation et la mort, mais des navires de solidarité, de fraternité, échangeant les produits des continents, décuplant la richesse familiale de l’humanité, à ce point qu’une prodigieuse abondance régnait partout. C’étaient des ponts facilitant aussi les communications, des poutres et des charpentes métalliques dressant les innombrables monuments dont les citoyens réconciliés avaient besoin pour la vie publique, les maisons communes, les bibliothèques, les musées, les asiles de protection et de refuge, les magasins généraux immenses, des entrepôts et des greniers capables de contenir la vie et l’entretien des nations fédérées. C’étaient enfin les machines sans nombre, qui, en tous lieux, pour toutes les besognes, remplaçaient les bras de l’homme, celles qui cultivaient la terre, celles qui travaillaient dans les ateliers, celles qui roulaient à l’infini, par les routes, par les flots, par les cieux. Et Luc se réjouissait de tout ce fer devenu pacifique, le métal de conquête dont l’humanité n’avait si longtemps tiré que des épées, pour ses luttes sanglantes, dont elle avait fait plus tard des canons et des obus, aux époques des derniers carnages, et dont elle bâtissait sa maison de fraternité, de justice et de bonheur, maintenant que la paix était conquise.