Page:Zola - Travail.djvu/570

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clarté de songe flottait encore au ras des pelouses, tandis que, dans les lointains bleuâtres, les grands arbres s’évanouissaient, en visions tremblantes et légères. Et c’était l’heure des amoureux, le parc de la Crêcherie leur restait ouvert largement, ils y venaient ainsi dès la fin du jour, après le travail et les occupations quotidiennes. Personne ne s’y inquiétait des couples errants, des ombres enlacées, peu à peu fondues, disparues au milieu des verdures. On les y confiait à la garde des vieux chênes amis, on comptait sur le libre amour pour les rendre doux et chastes, en futurs époux dont l’étreinte devient indissoluble, si elle a été mutuellement voulue. Il n’est pour toujours aimer que de savoir pourquoi et comment on aime. Qui s’est choisi, en sachant et en consentant, ne se sépare plus. Et, déjà, par les avenues obscures, par les pelouses envahies d’ambre, des couples erraient, peuplaient d’apparitions lentes le mystère accru des ténèbres, dans le frisson pâmé de la terre, aux odeurs fraîches de printemps.

Puis, des couples encore arrivèrent, et Luc en reconnut plusieurs des garçons et des filles qu’il avait vus le matin, dans les ateliers. N’étaient-ce pas Adolphe Laboque et Germaine Yvonnot, ces deux ombres errantes, si étroitement unies, emportées comme d’un seul vol, à la pointe des herbes  ? Ces deux autres, dont les têtes appuyées, rapprochées, mêlaient leurs chevelures, n’étaient-ce pas Hippolyte Mitaine et Laure Fauchard  ? Ces deux autres encore n’étaient-ce pas Alexandre Feuillat et Clémentine Bourron, dont les bras liés à la taille paraissaient devoir ne se dénouer jamais  ? Et Luc eut au cœur une émotion plus douce, lorsqu’il crut reconnaître deux des siens, son fils Charles, qui serrait contre sa poitrine la brune Céline Lenfant, et son fils Jules, qui emmenait à son cou la blonde Claudine Bonnaire. Ah  ! les beaux jeunes gens les messagers du printemps nouveau, les derniers