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vider, il y vivait dans la solitude, dans l’abandon définitif où les hommes laissaient son Dieu d’erreur et de misère.

Alors, l’abbé Marle sentit un monde finir et s’anéantir autour de lui. Ses complaisances n’avaient pu sauver la bourgeoisie menteuse, empoisonneuse, rongée du mal d’iniquité. Vainement il avait couvert son agonie du manteau de la religion, elle était morte en un dernier scandale. Et, de même, il avait eu beau se réfugier dans la lettre stricte du dogme, pour ne rien accorder aux vérités de la science dont il sentait le suprême assaut vainqueur en train de détruire le séculaire édifice du catholicisme. La science achevait de faire brèche, le dogme était finalement emporté, le royaume de Dieu allait être remis sur la terre, au nom de la justice triomphante. Une religion nouvelle, la religion de l’homme enfin conscient, libre et maître de son destin, balayait les anciennes mythologies, les symbolismes où s’étaient égarées les angoisses de sa longue lutte contre la nature. Après les temples des anciennes idolâtries, l’Église catholique disparaissait à son tour, aujourd’hui qu’un peuple fraternel mettait son bonheur certain en la seule force vivante de sa solidarité, sans avoir le besoin de tout un système politique de peines et de récompenses. Et le prêtre, depuis que le confessionnal et la sainte table étaient désertés, depuis que la nef se vidait de fidèles, entendait bien chaque jour, à sa messe les lézardes des murs s’agrandir, les charpentes des toits craquer davantage. C’était un continuel émiettement, un travail sourd de destruction, de ruine prochaine, dont il percevait les moindres petits bruits avant-coureurs. Puisqu’il n’avait pas réussi à convoquer les maçons, même pour les réparations urgentes, il lui fallait laisser l’œuvre de mort suivre son cours, aboutir à la fin naturelle de toutes choses  ; et il attendait simplement, il continuait à dire sa