deuxième cour, dont le sol ravagé était encombré de pièces de rebut, dormant dans la boue, attendant d’être remises à la fonte. Des hommes chargeaient sur un wagon une grosse pièce de forge, un arbre de torpilleur, terminé le jour même, que la petite locomotive allait emporter. Et, comme elle arrivait en sifflant, il dut l’éviter, suivit une allée entre des tas symétriques de gueuses de fonte, la matière première, et se trouva enfin dans la halle des fours à puddler et des laminoirs.
Cette halle, une des plus vastes, retentissait le jour du terrible grondement des laminoirs en marche. Mais, à cette heure de nuit les laminoirs dormaient, plus d’une moitié de l’immense hangar était plongée dans une obscurité profonde.
Et, sur les dix fours à puddler quatre seulement flambaient, que desservaient deux marteaux-cingleurs. Çà et là, une maigre flamme de gaz vacillait au vent, de grandes ombres noyaient l’espace, on distinguait à peine, en haut, les grosses charpentes enfumées qui soutenaient la toiture. Des bruits d’eau sortaient des ténèbres, la terre battue qui servait de sol, crevassée, bossuée, se détrempait ici en boue fétide, n’était à côté qu’une poussière de charbon, un amas de détritus. C’était partout la crasse du travail sans soin, sans gaieté, le travail exécré et maudit, dans l’antre empesté de fumées, souillé de saletés volantes, noir, délabré, immonde. Aux clous de sortes de huttes, en planches grossières, étaient pendus les vêtements de ville des ouvriers, mêlés à des cottes de toile, à des tabliers de peau. Et toute cette misère sombre ne se dorait d’un flamboiement que lorsqu’un maître puddleur ouvrait la porte de son four, d’où sortait alors un jet aveuglant qui perçait les ténèbres de la halle entière, comme d’un rayon d’astre.
Quand Luc se présenta, Bonnaire achevait de brasser une dernière fois le métal en fusion, les deux cents kilogrammes de fonte, que le four et le travail allaient transformer