Page:Zola - Travail.djvu/619

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ardente depuis son retour  ? Et son hôte, évitant encore une explication décisive, répondit simplement  :

«  C’est cela, je vais tout te montrer, nous allons faire le tour des tables.  »

La première table qu’ils rencontrèrent, devant la maison voisine, était celle des Morfain. Petit-Da la présidait, avec sa femme Honorine Caffiaux, tous les deux en cheveux blancs  ; et il y avait là leur fils Raymond, sa femme Thérèse Froment, ainsi que leur aîné, Maurice Morfain, un garçon de dix-neuf ans déjà. Puis, en face, c’était la descendance de Ma-Bleue, veuve d’Achille Gourier, et dont les grands yeux de ciel bleu gardaient leur infini bleu, à près de soixante-dix ans. Elle-même allait être arrière-grand-mère bientôt, par sa fille Léonie, mariée à Séverin Bonnaire, et par son petit-fils Félicien, né de ce mariage, et qui venait d’épouser Hélène, fille de Pauline Froment et d’André Jollivet. Tous étaient présents, même ces deux derniers, venus avec leur fille. On plaisantait Hélène, on projetait de donner à son premier-né le nom de Grégoire, tandis que sa sœur Berthe, âgée de quinze ans à peine, riait déjà aux tendresses que lui disait Raymond, son cousin, un petit ménage d’amour pour plus tard.

L’arrivée de Bonnaire, qui retrouvait là son cadet Séverin, fut saluée par des acclamations joyeuses. Et Ragu, s’égarant de plus en plus dans ces alliances enchevêtrées, se fit montrer surtout les deux Froment assises à cette table, Thérèse et Pauline, les deux filles, en marche déjà vers la quarantaine, adorables toujours de beauté claire et saine. Puis, la vue de Ma-Bleue lui rappela l’ancien maire Gourier, l’ancien sous-préfet Châtelard  ; et il voulut connaître leur fin. Ils avaient fini par s’éteindre à quelques jours l’un de l’autre, dans l’intimité étroite que la perte commune de la belle Léonore avait resserrée davantage. Gourier, mort le premier s’accommodait difficilement