ne brûlât pas comme une vieille écorce sa peau calcinée, boire pour ne pas tomber en cendre, et pour avoir une félicité dernière, et pour achever sa vie dans l’hébétement heureux d’une continuelle ivresse.
Cette nuit-là, Fauchard avait bien craint de laisser le feu lui cuire encore un peu de son sang. Mais il avait eu, dès huit heures la surprise heureuse de voir Natalie, sa femme, lui apporter ses quatre litres, pris à crédit chez Caffiaux, et sur lesquels il ne comptait plus. Elle s’excusa de n’avoir pas un bout de viande à lui donner, car Dacheux s’était montré impitoyable. Dolente, dans son continuel découragement, elle s’inquiétait de savoir comment ils mangeraient le lendemain. Mais il était trop content d’avoir son vin, il la renvoya en lui promettant de demander, comme les camarades, une avance à l’administration. Et une croûte de pain lui avait suffi, il buvait, il était d’aplomb. Quand le moment de l’arrachage fut venu, il vida encore d’un trait un demi-litre, il trempa d’eau, dans le bassin commun, le grand tablier de toile dont il était enveloppé. Puis, les pieds chaussés de gros sabots les mains couvertes de gants mouillés, armées de la longue pincé de fer, il enjamba le four, posa le pied droit sur le couvercle qu’on venait d’écarter, le ventre et la poitrine dans le coup d’effrayants chaleur qui montait du volcan entrouvert. Il apparut un moment tout rouge, flambant lui-même en plein brasier, ainsi qu’une torche. Ses sabots fumaient, son tablier et ses gants fumaient, toute sa chair semblait fondre. Mais lui, sans hâte, de ses yeux habitués à la flamme, cherchait le creuset au fond de la fosse embrasée, se penchait un peu pour le saisir avec la longue pince, et, d’un brusque redressement des reins, en trois mouvements rythmiques et souples, l’une des mains s’écartant, glissant le long de la tige, jusqu’à ce que l’autre vînt la rejoindre, il arracha le creuset, sortit d’un geste aisé, à bout de bras, ce poids de cinquante kilogrammes,