Page:Zola - Travail.djvu/72

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« Alors, monsieur, dit enfin Bonnaire à Luc, vous allez me faire le plaisir de monter avec moi. »

De nouveau, il était embarrassé. Josine comprit qu’il n’osait l’introduire chez lui, dans la crainte de quelque avanie, tout en souffrant de la laisser encore à la rue, avec l’enfant. Et elle arrangea les choses, de son air de douceur résignée.

« Nous n’avons pas besoin d’entrer, nous autres. Nous allons attendre dans l’escalier, sur une marche, en haut. »

Tout de suite, Bonnaire accepta.

« C’est cela, patientez un moment, asseyez-vous, et si j’ai la clé, je vous la monterai, vous pourrez vous coucher. »

Déjà, Josine et Nanet avaient disparu dans les ténèbres épaisses de l’escalier. On n’entendit même plus leur souffle, ils étaient terrés quelque part, là-haut. Et Bonnaire passa ensuite, guidant Luc, l’avertissant de la hauteur des marches, lui recommandant de se bien tenir à la corde grasse qui servait de rampe.

« Là, monsieur, nous y sommes. Ne bougez plus. Ah ! dame, les paliers ne sont pas larges, et si l’on tombait, on ferait une rude culbute. »

Il ouvrit la porte, il le fit entrer le premier, par politesse, dans une pièce assez grande, qu’une petite lampe à pétrole éclairait d’une lueur jaune. Malgré l’heure avancée, la Toupe travaillait encore près de cette lampe, raccommodant du linge ; tandis que son père, le vieux Lunot, noyé d’ombre, s’était assoupi, sa pipe éteinte aux gencives. Et, dans un lit, qui occupait un des coins, dormaient les deux enfants, Lucien et Antoinette, l’un de six ans, l’autre de quatre, très forts, très beaux pour leur âge. Le logement, en dehors de cette salle commune, où l’on faisait la cuisine, où l’on mangeait, ne se composait que de deux autres pièces, la chambre du père Lunot et celle du ménage.