constitueraient un peuple de plus en plus libre, acquis à la raison et à la logique, capable de certitude et de justice. Et trente années s’étaient passées depuis lors, et le pas fait en avant semblait s’annuler au moindre trouble public, le peuple d’aujourd’hui retournait à l’abêtissement, à la démence du peuple d’hier, sous le brusque retour des ténèbres ancestrales ! Que s’était-il donc passé ? quelle résistance sourde, quelle force souterraine paralysait ainsi l’immense effort tenté pour sortir ces humbles et ces souffrants de leur esclavage obscur ? À cette question, Marc vit tout de suite se dresser l’ennemie, la faiseuse d’ignorance et de mort, l’Église. C’était l’Église qui, dans l’ombre, avec sa patiente tactique d’ouvrière, tenace, avait barré les routes, repris un à un ces pauvres esprits enténébrés, qu’on tâchait d’arracher à sa domination. Toujours elle a compris la nécessité pour elle d’être la maîtresse de l’instruction, c’est-à-dire la maîtresse de faire à sa guise de la nuit et du mensonge, si elle voulait garder en servitude étroite les âmes et les corps. C’est sur le terrain de l’école qu’elle a lutté une fois de plus, d’une admirable souplesse hypocrite, allant jusqu’à se dire républicaine, usant des libres lois pour garder dans la geôle de ses dogmes les millions d’enfants que ces mêmes lois entendaient libérer. Autant de jeunes cerveaux acquis à l’erreur, autant de futurs soldats pour le Dieu de spoliation et de cruauté qui règne sur l’exécrable société actuelle. On a vu un pape politique mener la campagne, ce mouvement tournant qui devait chasser la révolution de chez elle, de la terre de France, en faisant siennes ses conquêtes, au nom de la liberté. Alors, les fondateurs, les républicains de la veille ont eu la naïveté de se croire vainqueurs devant ce prétendu désarmement de l’Église, de se tranquilliser et de lui sourire par un excès de tolérance ; et ils ont célébré un esprit nouveau de concorde, d’apaisement, d’union de toutes les croyances
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