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Page:Zola - Vérité.djvu/181

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en une foi nationale et patriotique. Puisque la République triomphait, pourquoi n’aurait-elle pas accueilli tous ses enfants, même les rebelles qui avaient toujours voulu l’étrangler ? Mais, grâce à cette belle grandeur d’âme, l’Église continuait à cheminer sous terre, les congrégations expulsées, rentraient une à une, l’éternelle besogne d’envahissement et d’asservissement se poursuivait sans une heure de repos, les collèges des jésuites, des dominicains et autres communautés enseignantes peuplaient peu à peu de leurs élèves, de leurs clients, l’administration, la magistrature, l’armée, tandis que les écoles des frères et des sœurs dépossédaient les écoles primaires, laïques, gratuites, obligatoires. Si bien que, brusquement, dans un grand sursaut de réveil, le pays entier s’était retrouvé aux mains de l’Église, avec des hommes à elle aux meilleurs postes de son organisme gouvernemental, et avec son avenir engagé, son peuple futur, ses paysans, ses ouvriers, ses soldats, sous la férule des ignorantins.

Justement, Marc eut, le dimanche, un spectacle extraordinaire, qui vint apporter à ses réflexions une éclatante preuve. Il discutait toujours avec lui-même, sans pouvoir se décider encore à accepter l’offre de Salvan. Et, s’étant rendu à Maillebois, ce dimanche-là, pour voir David, chez les Lehmann, il était tombé sur une grande cérémonie religieuse, à laquelle il eut la curiosité d’assister. Depuis quinze jours, La Croix de Beaumont et Le Petit Beaumontais annonçaient cette cérémonie par de flamboyants articles ; et tout l’arrondissement en avait la fièvre. Il s’agissait du don, à la chapelle des Capucins, d’un reliquaire superbe, contenant un fragment du crâne de saint Antoine de Padoue, inestimable trésor qu’une souscription de fidèles avait payé dix mille francs, disait-on. Et, à ce propos, pour l’inauguration de ce reliquaire aux pieds de la statue du saint, une solennité devait avoir lieu,