Page:Zola - Vérité.djvu/182

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que Mgr Bergerot avait consenti à venir rehausser de sa présence. C’était cette bonne grâce de l’évêque qui passionnait et faisait causer le monde ; car personne n’avait oublié avec quel courage il avait soutenu l’abbé Quandieu, le curé de la paroisse, contre les empiétements des capucins, battant monnaie, attirant à eux toutes les âmes et tout l’argent. On se rappelait, lors de sa tournée épiscopale, la dure façon dont il avait parlé des marchands du temple, que Jésus aurait chassés de nouveau. Sans compter qu’il avait toujours passé pour un simoniste convaincu. Et voilà qu’il acceptait d’apporter aux capucins et à leur commerce un témoignage public de sa sympathie, en patronnant leur boutique, en une occasion solennelle ? Il s’était donc soumis, il avait donc cédé à des considérations bien puissantes, pour se donner ainsi, à quelques mois de distance, un démenti qui devait lui coûter beaucoup, dans sa culture et la douceur de son bon sens ?

Marc se rendit à la chapelle, au milieu d’un flot considérable de foule ; et, là, pendant deux heures, il vit les choses les plus étranges du monde. Le commerce que la petite communauté des capucins de Maillebois faisait avec leur saint Antoine de Padoue était devenu une affaire considérable remuant des centaines de mille francs, par sommes minimes, d’un à dix francs. Le supérieur, le père Théodose, avec sa belle tête d’apôtre dont rêvaient les pénitentes, s’était révélé inventeur et administrateur de génie. Comme il s’en montrait glorieux, il avait imaginé et organisé le miracle démocratique, le miracle domestique et usuel, à la portée des plus humbles bourses. D’abord, il n’y avait eu dans la chapelle qu’une assez pauvre statue de saint Antoine, et le saint ne s’était guère occupé que de faire retrouver les objets perdus, sa très ancienne spécialité. Puis, après quelques petits succès, l’argent affluant, le coup de génie