Page:Zola - Vérité.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

c’était toute une situation très compromise à sauver, un établissement à rétablir dans sa prospérité et dans son bon ordre.

— Achille Savin, appelait Mignot.

Personne ne répondit, et il dut lancer le nom de nouveau. À une table, pourtant, les deux petits Savin, les fils jumeaux de l’employé, étaient là, le nez baissé, l’air sournois. Leurs huit ans semblaient déjà pleins de prudente hypocrisie.

— Achille et Philippe Savin, répéta Mignot, en les regardant.

Alors, ils se décidèrent, ils dirent ensemble, sans hâte :

— Présent !

Surpris, Marc leur demanda pourquoi ils se taisaient, puisqu’ils avaient entendu. Mais il n’en put rien tirer de net, les deux bambins l’examinaient d’un air de défiance, comme s’ils avaient eu à se défendre contre lui.

— Fernand Bongard, continua Mignot.

Cette fois encore, personne ne répondit. Fernand, le fils du paysan Bongard, un solide garçon de dix ans, à la mine hébétées, aveuli et tassé sur ses coudes, paraissait dormir, les yeux ouverts. Il fallut qu’un camarade le poussât. Alors, il cria effaré :

— Présent !

On redoutait ses gros poings, pas un des galopins n’osa recommencer à rire. Et Mignot, dans le silence, put jeter le dernier nom.

— Sébastien Milhomme.

Marc avait reconnu le fils de la papetière, à la première table de droite, avec son doux visage, si fin et si intelligent.

Et il lui souriait, heureux de ces candides yeux d’enfant de huit ans, où il croyait voir luire déjà une de ces petites âmes, qu’il se proposait d’éveiller.

— Présent ! répondit Sébastien, d’une voix claire et