Page:Zola - Vérité.djvu/341

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tâché d’agir sur le chef du jury, l’architecte Jacquin, homme d’une honnêteté stricte, catholique pratiquant ; et il venait enfin, croyait-il, de soulever en lui un grand trouble de conscience, en lui faisant savoir l’illégalité d’une pareille communication, dans les circonstances où elle s’était passée. Le jour où il lui prouverait le faux, cet homme parlerait.

Lorsque Marc vint, rue du Trou, au rendez-vous qu’il avait donné à David, il trouva la petite boutique close, la maison morte. Pour plus de prudence, la famille s’était réfugiée dans l’arrière-boutique, où Lehmann et sa femme travaillaient encore sous la lampe ; et ce fut là que l’émouvante scène eut lieu, devant Rachel frémissante et les deux enfants dont les yeux étincelaient.

Avant de parler, Marc voulut savoir où David en était de son enquête.

— Eh bien ! les choses marchent, dit celui-ci, mais toujours si lentement ! Jacquin est un de ces bons chrétiens qui adorent un Jésus de tendresse et d’équité ; et, si j’ai eu peur un instant, en apprenant la pression dont le père Crabot l’accable, par tous les intermédiaires imaginables, je suis maintenant tranquille, il obéira à sa seule conscience… Le difficile est d’obtenir l’expertise du document communiqué.

— Mais, demanda Marc, Gragnon ne l’a donc pas détruit, ce document ?

— Il paraît que non. L’ayant montré aux jurés, il n’a point osé le faire disparaître, et il l’aurait simplement joint au dossier, où il doit être encore. C’est ce dont Delbos est convaincu, d’après certains renseignements. Il faudrait donc l’exhumer du greffe, ce qui ne lui paraît pas commode… Enfin, nous avançons.

Puis, après un lourd silence :

— Et vous, mon ami, avez-vous donc quelque bonne nouvelle ?