Page:Zola - Vérité.djvu/397

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échantillons, mais si peu nombreux, gâtés toujours par les tares de l’atavisme et d’une éducation bâtarde.

Puis, se mettant à rire, de son air si doux et si résolu :

— Vous savez, je suis en train d’y travailler, à ces compagnes pour maris dégagés des dogmes, avides de vérité et de justice, je m’efforce d’en fabriquer quelques-unes pour les braves garçons que vous faites pousser de votre côté… Vous êtes né trop tôt, voilà tout, mon ami.

Et l’un et l’autre, l’instituteur et l’institutrice, humbles artisans de la société future, oubliaient un peu la grande enfant de treize ans qui les écoutait, silencieuse, les oreilles larges ouvertes. Lui, par une sorte de discrétion sentimentale, s’était abstenu jusque-là de donner des leçons directes à sa fille. Il se contentait de prêcher d’exemple, il s’était fait adorer d’elle, en se montrant très bon, très sincère, très juste. Et la grande fille, éveillée peu à peu à la raison, n’osait encore intervenir dans ces conversations entre son père et Mlle Mazeline ; mais, sûrement, elle en tirait profit, avec cet air de ne pas comprendre, de ne pas entendre, que prennent les enfants quand on s’oublie devant eux à dire des choses jugées au-dessus de leur intelligence. Les regards perdus dans la nuit tombante, la bouche immobile, à peine agitée d’un léger frémissement aux coins des lèvres, elle s’instruisait, elle classait dans sa petite tête toutes ces idées des deux personnes qu’elle aimait le plus au monde, avec sa mère. Et, un jour, à la suite d’un de ces entretiens, une réflexion enfantine qui lui échappa, comme au réveil d’une profonde rêverie, montra qu’elle comprenait parfaitement.

— Moi, quand je me marierai, je veux un homme qui ait les idées de papa, pour que nous puissions nous expliquer et nous entendre. Oh ! si nous pensons de même, ça marchera très bien.

Cette façon de résoudre le problème amusa beaucoup Mlle