Page:Zola - Vérité.djvu/414

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nécessité de notre séparation… Quelqu’un m’a tout conté. En face de telles infamies, il ne nous reste d’autres armes que l’abnégation et le renoncement.

Un long silence se fit, sous le vaste ciel calme, où le jour se mourait lentement. Une odeur pénétrante montait des giroflées, tandis que le gazon, chauffé par le soleil, retrouvait un peu de fraîcheur.

Et Marc reprit, à demi-voix, comme s’il réfléchissait tout haut :

— Ces malheureux, qui vivent en dehors de la simple nature et du bon sens, ne peuvent toucher à rien de l’homme et de la femme, sans y mettre aussitôt l’ordure de leur imagination, pervertie par l’idée du péché. La femme n’est plus que le diable, dont le contact corrompt tout, tendresse, affection, amitié… J’avais bien prévu ce qui arrive, je faisais la sourde oreille, ne voulant pas leur donner la joie de paraître tenir compte de leurs calomnies. Mais si, moi, je puis hausser les épaules, il y a vous, mon amie, il y a Louise surtout, que cette boue finit par atteindre… Alors, les voilà victorieux de nouveau, ils vont se réjouir d’ajouter une grosse peine à toutes nos peines.

Très émue, Mlle Mazeline répondit :

— Ce sera pour moi la plus dure… Et je ne vais pas y perdre seulement la douceur de nos conversations du soir, j’en emporterai la tristesse de me dire que je cesse de vous être utile, que je vous laisse plus seul et plus malheureux. Pardonnez-moi cette petite vanité, mon ami, j’étais si heureux de vous aider dans votre œuvre, de me croire un peu votre réconfort et votre soutien ! Maintenant, je ne songerai plus à vous, sans vous voir abandonné, solitaire, réduit à cette misère de n’avoir même plus une amie… Ah ! il y a vraiment de bien exécrables gens !

Il eut un geste tremblant qui trahissait sa douleur.

— C’est ce qu’ils voulaient, m’isoler, me réduire, en faisant