Page:Zola - Vérité.djvu/442

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venu, à un garçon laitier du voisinage ; et le père, désespéré, meurtri dans son orgueil, en la voyant grosse, avait dû la marier à cet inférieur, lui qui rêvait pour elle le fils d’un de ses chefs, grâce à sa beauté. Puis, c’était sa femme dont la trahison l’avait fait saigner d’une blessure plus empoisonnée encore, cette fine et tendre Marguerite, qu’il forçait à pratiquer malgré sa répugnance, par un excès de maladive jalousie, convaincu que la religion était le frein nécessaire à la perversité féminine. Il lui avait donc imposé pour directeur le supérieur des capucins, le père Théodose, ce Jésus brun dont rêvaient les dévotes ; et l’on ne sut jamais bien l’histoire, mais le bruit d’un flagrant délit courait, le mari allant chercher un soir d’hiver sa femme à la chapelle, la trouvant dans un coin de ténèbres, aux bras de son confesseur, en train tous les deux de se baiser goulûment, à pleine bouche. Combattu entre sa rage et sa peur, il n’avait point fait de scandale, souffrant surtout de l’ironie des choses, de cette épouse fidèle jusque-là, et qu’il avait lui-même jetée à la faute, en jaloux imbécile. Et, disait-on, il se vengeait terriblement sur la malheureuse, dans l’abominable enfer qu’était devenu leur ménage.

Maintenant, Savin s’était rapproché de Marc, en haine des curés et des moines. Et, comme il sortait de son bureau, la bouche amère, l’air abêti par sa besogne de vieux cheval de manège, il parut s’éveiller, en apercevant l’instituteur.

— Ah ! monsieur Froment, je suis heureux de la rencontre… Vous devriez m’accompagner jusque chez moi, car mon fils Philippe me donne des inquiétudes, tant il est paresseux, et vous seul pouvez le sermonner un peu.

— Volontiers, répondit Marc, toujours désireux de voir et de juger.

Rue Fauche, dans le petit logement maussade, ils trouvèrent Mme Savin, encore charmante à quarante-quatre