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Page:Zola - Vérité.djvu/445

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grand fainéant de passer ainsi les journées. Il vous écoutera peut-être, vous qui avez été son maître.

Mais, à ce moment, Achille rentra de chez son huissier. Il y avait débuté à quinze ans, pour faire les courses, et il y était depuis sept ans bientôt, sans y gagner encore son pain. Plus pâle et de sang plus pauvre que son frère, il restait un gamin imberbe, ayant gardé la sournoiserie et la lâcheté inquiète du mauvais écolier d’autrefois, toujours prêt à vendre un camarade, afin de s’épargner une punition. Il parut surpris de trouver là son ancien maître ; et, méchamment sans doute, après l’avoir salué, il donna des nouvelles.

— Je ne sais pas ce qu’il peut y avoir dans Le Petit Beaumontais. On s’arrache les exemplaires chez les dames Milhomme. Sûrement, c’est encore cette sale affaire.

Marc connaissait l’article, une rectification du frère Gorgias, d’une extraordinaire impudence de mensonge. Et il profita simplement de l’occasion pour sonder les jeunes gens.

— Le Petit Beaumontais, dit-il, aura beau faire, avec ses histoires de millions enterrés et les démentis superbes qu’il donne aux faits les mieux établis, l’innocence de Simon n’en commence pas moins à être admise par tout le monde.

Les deux jumeaux eurent un léger haussement d’épaules. Ce fut Achille, la voix traînante, qui répondit.

— Oh, ! leurs millions enterrés, c’est bon pour les imbéciles, et il est bien vrai qu’ils mentent trop, ça finit par se voir. Mais qu’est-ce que ça nous fiche ?

— Comment, qu’est-ce que ça vous fiche ? demanda l’instituteur interloqué, ne comprenant pas.

— Oui, je veux dire en quoi ça nous intéresse-t-il cette histoire-là, dont on nous ennuie depuis si longtemps ?