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Page:Zola - Vérité.djvu/483

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cette moisson que je compte pour assurer un jour notre bonheur. Oui, nous nous sommes trop confondus l’un dans l’autre, tu me reviendras, nos enfants te ramèneront. Le prétendu poison dont parle cette grand-mère imbécile est notre amour lui-même, et il travaille en ton cœur, et il te ramènera !

— Jamais !… Dieu nous foudroierait l’un et l’autre. Tu m’as chassée de chez nous par tes blasphèmes. Si tu m’avais aimée, tu ne m’aurais pas enlevé ma fille, en refusant de lui laisser faire sa première communion. Comment veux-tu que je revienne à un foyer impie où il ne me serait pas même permis de prier ?… Ah ! que de misère, personne ne m’aime plus, et le ciel lui-même ne veut pas s’ouvrir !

Et elle éclata en sanglots. Marc, désespéré devant cette plainte affreuse, sentit la cruelle inutilité de la torturer davantage. L’heure n’était pas venue. Et le silence se fit encore, tandis que, sur l’avenue des Jaffres, on entendait au loin des cris d’enfants, dans l’air limpide du soir.

Ils s’étaient un peu rapprochés, sur le banc solitaire, pendant leur conversation si vive. Côte à côte maintenant, ils semblaient réfléchir, les yeux perdus, parmi la poussière d’or du couchant. Puis, le premier, il reprit la parole, comme s’il eût achevé ses réflexions à voix haute.

— Je ne pense pas, mon amie, que tu aies donné un seul instant quelque créance aux abominations dont certaines gens ont voulu me salir, à propos de mes relations toutes fraternelles avec Mlle Mazeline ?

— Oh ! non, répliqua-t-elle vivement, je te connais et je la connais. Ne me crois pas devenue assez sotte, pour ajouter foi à tout ce qu’on est venu me répéter.

Elle eut un léger embarras, elle continua :

— C’est comme pour moi, on m’a mise, je le sais,