Page:Zola - Vérité.djvu/491

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faut la voir manœuvrer si gentiment, si posément, conquérir cette maison où tout lui est hostile, lasser les gronderies de la grand-mère elle-même. Mais où elle est merveilleuse, c’est dans son tendre travail sur sa mère, qu’elle entoure d’une adoration active, comme une convalescente dont il s’agit de rétablir les forces physiques et morales, pour la rendre capable de reprendre la vie de tout le monde. Elle lui parle très rarement de vous, elle l’accoutume à revivre de votre air, de votre pensée, de votre amour. Elle est là comme vous-même, elle ne cesse pas une heure de s’employer au retour de l’épouse, de la mère, en renouant de ses mains caressantes le lien rompu. Et, si votre femme vous revient, mon ami, ce sera l’enfant qui vous la ramènera, l’enfant tout-puissant, santé et paix du foyer.

Marc, très ému, l’écoutait, se sentait repris d’espoir.

— Ah ! si vous disiez vrai ! Mais ma pauvre Geneviève est bien malade encore.

— Laissez faire votre petite guérisseuse, son baiser de chaque matin à sa mère apporte la vie… Si Geneviève est si torturée, c’est que la vie lutte en elle, l’arrache un peu tous les jours à la crise de mort où vous avez failli la perdre. Dès que la bonne nature l’emportera sur la monstrueuse imbécillité mystique, elle sera dans vos bras, avec vos enfants… Allons, mon ami, bon courage ! Quand vous aurez rendu ce pauvre Simon aux siens, il serait bien dur que le triomphe de la vérité et de la justice n’assurât point aussi votre bonheur domestique.

Ils échangèrent une fraternelle poignée de main, et Marc, rentré à Maillebois, un peu réconforté, se retrouva dès le lendemain en pleine bataille. C’était surtout à Maillebois que soufflait la tempête des passions cléricales, dans l’effort suprême tenté par l’Église, pour sauver et glorifier l’enseignement congréganiste. La fuite du frère