Page:Zola - Vérité.djvu/502

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d’une province, bien déchue de son importance de jadis, avait gardé sa foi monarchique et religieuse, le fanatisme suranné d’un passé aboli ailleurs. Aussi était-ce un terrain excellent pour la congrégation, où elle s’efforçait de remporter la victoire décisive dont elle avait besoin, si elle voulait conserver son droit à l’enseignement, la force même qui la rendait maîtresse de l’avenir. Simon acquitté, c’était l’école laïque triomphante, la pensée libre en pleine possession de l’enfant, le délivrant de l’erreur, l’armant de la vérité, faisant de lui le citoyen de la future cité de solidarité et de paix. Simon recondamné, c’était l’école des frères sauvée, retrouvant sa puissance d’obscure oppression, assurant par l’enfant un siècle ou deux encore d’ignorance superstitieuse, de lâche servage, sous l’écrasement social de l’antique charpente catholique et monarchique. Et jamais Marc n’avait mieux senti l’intérêt de Rome à gagner cette bataille, jamais il ne l’avait devinée à ce point derrière les moindres péripéties de l’interminable et monstrueuse affaire, cette Rome papale, entêtée en son rêve de la domination du monde, qu’il retrouvait à chaque pas, sur le pavé de Rozan, chuchotante, agissante, conquérante.

Delbos et David lui conseillèrent une grande prudence. Eux-mêmes étaient gardés par des agents de police, dans la crainte de quelque guet-apens ; et, le lendemain de son arrivée, il s’aperçut qu’il avait également autour de lui des ombres discrètes. N’était-il pas le successeur de Simon, l’instituteur laïque, l’ennemi désigné de l’Église, dont il s’agissait de se débarrasser, si l’on voulait qu’elle triomphât ? Et cette haine sourde dont il se sentait poursuivi, ces menaces d’un mauvais coup dans l’ombre, suffisaient à dire où était le combat, d’où venaient les adversaires, les hommes d’aveugle violence qui ont brûlé et tué au travers des siècles, dans leur rêve fou