Page:Zola - Vérité.djvu/52

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force, dans ses prônes de chaque dimanche, contre le danger des basses superstitions : on ne l’écoutait pas. Lui, de foi plus éclairée, gémissait sur le tort que l’exploitation rapace des capucins causait à la religion. D’abord, ils le ruinaient, la paroisse avait vu se tarir les sources de ses revenus, toutes les aumônes et toutes les offrandes allant désormais à la chapelle. Puis, c’était en lui une douleur plus haute, le chagrin du prêtre intelligent, qui ne s’inclinait pas quand même devant Rome et qui croyait encore à la possibilité d’une Église de France, indépendante et libérale, dans le grand mouvement démocratique moderne. Il faisait donc la guerre aux vendeurs du temple qui tuaient Jésus une seconde fois, et l’on disait que l’évêque de Beaumont, Mgr Bergerot, pensait comme lui, ce qui n’empêchait pas les capucins de multiplier leurs triomphes, de conquérir Maillebois et de le changer en un lieu saint, à coups de miracles.

Marc savait encore que, si Mgr Bergerot était derrière le curé Quandieu, les capucins et les frères avaient pour les soutenir le tout-puissant père Crabot, le recteur du fameux collège de Valmarie. C’était ainsi que le préfet des études, le père Philibin, avait présidé la distribution des prix, afin de donner à l’établissement un témoignage public de haute estime et de haute protection. Les jésuites étaient dans l’affaire, comme disaient les mauvais esprits. Et l’instituteur Simon, le juif, se trouvait donc pris entre ces inextricables querelles, en plein pays de passions religieuses déchaînées, à ce moment dangereux où la victoire allait appartenir au plus impudent. Tous les cœurs étaient troublés, une étincelle devait suffire pour incendier et dévaster toutes les intelligences. Cependant, l’école laïque communale n’avait pas perdu un élève, elle balançait encore par le nombre et par le succès l’école congréganiste des frères ; et cette victoire