Page:Zola - Vérité.djvu/584

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dans la pratique, à se plier aux exigences modernes, à nous emprunter nos armes pour nous battre. Elle se fait aujourd’hui fabricante, marchande, il n’y a pas un objet ou une denrée de consommation journalière qu’elle ne produise et qu’elle ne vende, depuis les vêtements jusqu’aux liqueurs de table. Des ordres nombreux sont de simples associations industrielles, travaillant au rabais, grâce à la main-d’œuvre presque gratuite, et faisant ainsi une concurrence déloyale aux petits producteurs de nos faubourgs, incapables de lutter. Les millions gagnés tombent dans les caisses noires, alimentent la guerre d’extermination qui nous est faite, élargissent les milliards que les congrégations possèdent déjà et qui peuvent les rendre si redoutables encore.

Geneviève et Mignot écoutaient. Il y eut un silence inquiet, dans la vaste paix du soir, tandis que le soleil couchant incendiait d’une grande lueur rose le bâtiment clos et morne du Bon Pasteur.

— Allons, voilà que j’ai l’air de désespérer, moi aussi reprit gaiement Marc. Ils sont encore très puissants, c’est vrai. Mais nous avons pour nous le livre, le petit livre d’enseignement primaire, qui apporte la vérité et qui finira par vaincre à jamais leur mensonge de tant de siècles… Toute notre force irrésistible est là, voyez-vous, Mignot. Ils ont eu beau accumuler les ruines ici, ramener les pauvres ignorants en arrière, détruire le peu de bien que nous avions fait : il va suffire que nous nous remettions à notre besogne de progrès par la connaissance, et nous regagnerons le terrain perdu, et nous avancerons sans fin, jusqu’à la Cité de solidarité et de paix. Leur bagne du Bon Pasteur croulera comme tous les autres bagnes, leur Sacré-Cœur ira rejoindre le Phallus antique, les autres fétiches grossiers des religions mortes… Vous entendez, Mignot, chaque élève à qui vous apprenez une vérité est un citoyen de plus pour la justice. À l’œuvre, à