Page:Zola - Vérité.djvu/609

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Théodose, la création des obligations hypothécaires sur le paradis, avait de nouveau bouleversé les âmes des humbles et des souffrants, si avides de félicité, même au-delà du tombeau, puisque la terre était si cruelle ; et, pendant des mois entiers, l’argent des dupes avait afflué, les économies des bas de laine contre la chance d’un peu de paix possible, là-haut, dans l’inconnu. Enfin, devant l’incrédulité croissante, voyant avec quelle peine il finissait par placer ses obligations, le père Théodose venait d’avoir un troisième coup de génie, l’invention de petits jardins, personnels et réservés, aux champs toujours en fleurs des bienheureux. Il s’agissait de coins délicieux d’éternité, avec des roses et des lis de premier choix, sous des ombrages arrangés pour le plaisir des yeux, près de sources particulièrement pures et fraîches. Et, grâce encore à l’intervention décisive de saint Antoine de Padoue, on pouvait les retenir à l’avance, s’en assurer la jouissance éternelle ; mais cela, naturellement, coûtait très cher, surtout si l’on voulait quelque chose de vaste, de confortable ; car il y en avait de tous les prix, selon l’agrément, la situation, le voisinage des anges et de Dieu. Deux vieilles dames déjà avaient légué leur fortune aux capucins pour que le saint miraculeux leur réservât ce qu’il restait de mieux en jardins disponibles, l’un dans le genre des anciens parcs français, l’autre dans un genre plus romantique, avec des labyrinthes et des cascades. Et l’on disait que Mme Duparque, elle aussi, avait fait son choix, une grotte d’or au flanc d’un mont d’azur, parmi des bosquets de myrtes et de lauriers-roses.

Seul, le père Théodose la visitait donc toujours, supportant ses humeurs, revenant quand même, lorsqu’elle l’avait chassé, exaspérée de sa tiédeur et de sa résignation devant le triomphe des ennemis de l’Église. Il avait même fini par obtenir d’elle une clef de la maison, de façon à