Page:Zola - Vérité.djvu/621

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Le recteur Forbes, lui-même, si enfoncé dans ses études d’histoire ancienne, avait dû sévir, congédier des aumôniers, débarrasser les classes des emblèmes religieux, laïciser l’enseignement secondaire aussi bien que l’enseignement primaire. Le général Jarousse, mis à la retraite, s’était décidé à quitter Beaumont, où sa femme possédait pourtant un petit hôtel, exaspéré du nouvel esprit qui régnait dans la ville, ne voulant pas y vivre en contact avec son successeur, un général républicain, socialiste même, disait-on. L’ancien juge d’instruction Daix était mort misérable, hanté de spectres, malgré sa confession tardive, à Rozan, tandis que l’ancien procureur de la République, Raoul de La Bissonnière, qui avait fini par faire à Paris une belle carrière, allait disparaître dans l’écroulement d’une immense escroquerie, pour laquelle il avait eu des bontés. Et, dernier symptôme excellent, l’ancien président n’était plus salué sur l’avenue des Jaffres, il filait d’un air inquiet, la tête basse, maigri et jauni, avec des coups d’œil obliques, comme s’il avait craint de recevoir quelque crachat au passage.

À Maillebois, où Marc venait souvent voir Louise, installée avec Joseph, son mari, à l’école communale, dans le petit logement que Mignot avait occupé pendant de si longues années, les heureux effets de l’instruction laïque répandue à flots, apportant la clarté et la santé, se faisaient également sentir. Ce n’était plus l’ancienne petite ville cléricale, où la congrégation avait réussi à faire élire maire une créature à elle, le fabricant de bâches retiré Philis, un veuf que l’on accusait de coucher avec sa bonne. Autrefois, sur les deux mille habitants, les huit cents ouvriers du faubourg, très divisés, ne parvenaient à faire entrer dans le conseil municipal que de rares républicains, réduits à l’inaction. Et, maintenant, aux élections récentes, la liste républicaine et socialiste avait passé tout entière, à une forte majorité, de sorte que l’entrepreneur Darras, battant