Aller au contenu

Page:Zola - Vérité.djvu/685

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de Rozan a recondamné Simon, je vous ai dit que j’étais toujours convaincu de l’innocence du malheureux. Mais quoi ? est-ce que je pouvais faire une révolution à moi tout seul ? Le mieux était de garder le silence… Et, maintenant, je vois un tas de jeunes messieurs qui nous traitent de lâches et qui veulent nous donner une leçon, en élevant des arcs de triomphe au martyr. Vraiment, voilà la courageuse besogne !

Ainsi mis en cause, Adrien comprit que Léon Savin devait avoir parlé chez lui du grand projet. Et il se montra très aimable, très conciliant.

— Oh ! tout le monde est brave, du moment que tout le monde devient juste… Je sais bien, monsieur, que vous avez toujours été parmi les raisonnables, et j’en fais l’aveu, j’ai dans ma famille des personnes qui se sont montrées, qui se montrent encore beaucoup plus aveugles et têtues. Aujourd’hui, l’unique désir de tous doit être de s’unir, de se confondre en une même flamme de solidarité et de justice.

L’air stupéfait, Savin écoutait, comprenant tout d’un coup pourquoi Marc et cet Adrien étaient là, attendant son fils Léon. Il avait simplement cru à une visite de politesse.

— Ah ! c’est vrai, vous venez pour cette histoire stupide de réparation… Mais moi, je n’en suis pas, non, non ! pas plus que ceux de vos parents dont vous parlez, monsieur. Naturellement, mon fils Léon fera ce qu’il voudra, ce qui ne m’empêchera pas de garder mon idée… Les juifs, monsieur, les juifs, toujours les juifs !

À son tour, Adrien le regardait, frappé de stupeur. Les juifs, pourquoi lui parlait-il encore des juifs ? La passion antisémite était morte, au point que la génération nouvelle ne comprenait pas, lorsqu’on chargeait les juifs de tous les crimes. Comme il venait de le dire à sa grand-mère