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Page:Zola - Vérité.djvu/695

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maison, sur la grande place neuve, où s’ouvrait le square. Les familles ouvrières du quartier avaient envahi ce square. Toutes les fenêtres voisines étaient occupées, la chaussée elle-même se trouvait envahie, barrée par la houle montante des spectateurs passionnés, désireux de voir et de crier leur fièvre de justice. Et rien n’était plus émouvant ni plus grand.

De bon matin, Marc et Geneviève étaient venus de Jonville, accompagnés de leur fils Clément, de Charlotte et de la petite Lucienne. Tous devaient attendre Simon dans le jardin, groupés autour de Mme Simon, de ses enfants Joseph et Sarah, de ses petits-enfants François et Thérèse, de son arrière-petite-fille Rose. Louise se trouverait naturellement au côté de son mari Joseph, et Sébastien au côté de sa femme Sarah. C’étaient les quatre générations, tout ce qui avait poussé du sang de l’innocent mêlé au sang des justiciers. Puis, on avait réservé des places aux survivants des temps héroïques, aux premiers défenseurs, Salvan, Mlle Mazeline et Mignot, ainsi qu’aux ouvriers fervents de la réparation, aux membres aujourd’hui conquis, enthousiastes, des familles Bongard, Doloir et Savin. Le bruit courait que Delbos, l’ancien avocat, le héros des deux procès, qui venait d’être ministre de l’intérieur pendant quatre ans, était allé à la rencontre de Simon et de David pour arriver avec eux. Seul le maire, avec une délégation du conseil municipal, devait recevoir les deux frères à la gare, puis les amener à la maison ornée de guirlandes et de bannières, où toute la solennité aurait lieu. Et Marc, se conformant à ce programme, attendait donc là, avec la famille, malgré sa hâte joyeuse d’embrasser le triomphateur.

Deux heures sonnèrent, encore toute une heure à patienter. La foule grossissait toujours. Marc était sorti du jardin pour se mêler aux groupes, désireux d’entendre les paroles échangées, volant dans le clair soleil. On