sur vos rapports avec lui, je sais qu’il vous voyait souvent et qu’il vous jetait volontiers ce mot d’imbécile à la face, quand vos scrupules lui faisaient hausser les épaules.
— Ça, c’est vrai, concéda Marsoullier, il m’appelait imbécile, ce qui finissait pas n’être guère gentil.
Et, pressé davantage, supplié de soulager sa conscience, dans son intérêt même, s’il ne voulait pas que la justice crût à sa complicité, il finit par céder autant à la crainte qu’à son besoin de vérité.
— Eh bien ! oui, monsieur Froment, je l’ai reconnu… Il n’y a que lui, pour m’avoir crié : « Imbécile », avec cette voix-là. Vous comprenez, je ne peux pas me tromper, il m’a répété ça trop de fois… Et il avait pour sûr une fausse barbe, qu’il aura retirée en courant et mise dans sa poche, puisque les personnes qui l’ont rencontré ensuite, au coin de la Grand-Rue, l’ont bien vu avec le chapeau, mais tel qu’il est réellement, sans barbe.
Une grande joie égaya Marc, car le témoignage allait être décisif, et il donna une poignée de main à Marsoullier.
— Allons, je le savais bien, vous êtes un brave homme.
— Un brave homme, certainement… Voyez-vous, monsieur Froment, je suis un ancien élève de M. Joulic, moi ; et ça ne s’en va jamais, quand un mettre vous a enseigné comment on doit aimer la vérité. On a beau vouloir mentir, tout l’être se soulève et proteste. Et puis, dès qu’on sait se servir un peu de sa raison, ça devient impossible d’accepter les bêtises qui circulent… Aussi étais-je très tracassé, tout à fait malheureux au fond, depuis cette déplorable histoire. Mais, n’est-ce pas ? Je suis un malheureux, je n’ai que ma place de bedeau pour vivre, ma situation me forçait à dire comme les anciens amis de mon oncle Philis.
Il s’interrompit, avec un geste de désespoir, tandis que deux grosses larmes lui troublaient les yeux.