Page:Zola - Vérité.djvu/750

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ne voulez pas que je mente, que je reprenne une vie commune qui serait une lâcheté et une ordure.

Jusque-là, François était resté silencieux, dans une anxiété visible. Un cri lui échappa.

— Mais moi, Thérèse, je t’aime toujours, je t’aime comme jamais je ne t’ai aimée, et si tu as souffert, je crois bien que je souffre davantage encore !

Elle se tourna vers lui, elle lui parla avec beaucoup de douceur.

— Tu dis la vérité, je le crois… Que tu aimes, malgré ta folie, c’est bien possible, car ce pauvre cœur humain, hélas ! dans notre besoin de raison, restera l’éternelle démence. Et si tu souffres tant, cela fait que nous souffrons affreusement tous les deux… Mais je ne peux pas me remettre avec toi, si je ne t’aime plus, si je ne te veux plus. Cela serait indigne de nous deux, notre mal en serait empoisonné, au lieu de guérir. Le mieux, vois-tu, est de vivre en bons voisins, en bons amis, redevenus libres et faisant chacun son œuvre.

— Mais moi, maman ! cria la petite Rose, les yeux pleins de larmes.

— Toi, ma chérie, tu nous aimeras demain tous les deux, comme tu nous aimais hier.. Et ne t’inquiète pas, ce sont des questions que les enfants ne comprennent que plus tard.

D’un geste caressant, Marc avait appelé Rose, et il la prit sur ses genoux, il allait se remettre à plaider la cause de François, lorsque Thérèse le prévint vivement.

— Non, grand-père, je vous en supplie, n’insistez pas. C’est votre tendresse qui parle en ce moment, ce n’est pas votre raison. Si vous me faisiez céder, vous pourriez vous en repentir. Laissez-moi donc être sage et forte… Je sais bien, vous voulez nous épargner la souffrance. Ah ! la souffrance, avouons qu’elle sera éternelle. Elle est en nous, sans doute pour une des besognes ignorées de la