Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/50

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Tout tomba en notre pouvoir ; mais mon capitaine, un avare, mit ma part en séquestre. Nous nous battîmes, je fus plus adroit et le traversai sans remède. Les hommes me proclamèrent, sur l’heure, capitaine, comme le plus vaillant, et moi je leur jurai franche amitié ; mais la nuit suivante je m’enfuis et les laissai sans un blanc. Je m’étais rappelé le proverbe, que « qui vole un voleur gagne cent années de pardon », et je me jetai dans cette extrémité, pour songer à mon salut. — Je passai dans l’opulente Allemagne ; mais un provincial de l’ordre de Saint-Jérôme, homme de beaucoup de moyens, me reconnut et me dénonça sans retard par une lettre anonyme. J’achetai, à force d’argent, la liberté et la lettre ; et rencontrant dans un sentier ce religieux, je lui envoyai d’une main sûre une balle enveloppée dans ce même papier. — De là je sautai en France… Bon pays !… et comme vous à Naples, je publiai dans Paris un cartel ainsi conçu : Ici est un Don Luis, qui en vaut au moins deux. Il s’arrêtera ici quelques mois, et n’a pas d’autre intérêt, ou ne se prête à d’autres entreprises, que d’adorer les Françaises et de se battre avec les Français. Tels étaient les termes ; et pendant la demi-année que ma présence charma Paris, il n’y eut événement extraordinaire, scandale ni méfait dont je ne prisse ma part… Mais, comme Don Juan, je renonce aussi à développer mon