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Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/174

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160 SULLY PRUDHOMME

Heureux aussi les doigts! ils touchent; Les yeux! ils voient. Heureux les corps! Ils ont la paix quand ils se couchent, Et le néant quand ils sont morts.

Mais, oh ! bien à plaindre les âmes! Elles ne se touchent jamais : Elles ressemblent à des flammes Ardentes sous un verre épais.

(Les Solitudes. Corps et dînes.)

Et le poète, répandant à travers l'univers le sentiment de cette solitude incurable, affirma que tous les êtres vivent dans une mutuelle igno- rance quand ils ne s'agitent pas dans la lutte. Les étoiles se sentent seules et souffrent au fond des nuits :

« Vous les étoiles, les aïeules

Des créatures et des dieux

Vous avez des pleurs dans les yeux. »

Elles m'ont dit : « Nous sommes seules.

Chacune de nous est très loin Des sœurs dont tu la crois voisine; Sa clarté caressante cl fine Dans sa patrie et sans témoin;

Et l'intime ardeur de ses flammes Expire aux cieux indifférents. » Je leur ai dit : « Je vous comprends! Car vous ressemblez à des âmes. »

(Les Solitudes. La Voie lactée.)

Dans tout ce qui vit, une impénétrabilité inviolable maintient une invincible solitude. C'est la banqueroute de l'amour, et le triomphe de la